Protéger ses droits en tant que salarié face à la faillite de son entreprise

La faillite d’une entreprise plonge ses salariés dans une situation précaire et angoissante. Du jour au lendemain, leur emploi et leurs revenus sont menacés. Pourtant, le droit du travail français offre de nombreuses protections aux employés confrontés à cette épreuve. Quels sont leurs recours ? Comment faire valoir leurs droits ? Quelles indemnités peuvent-ils espérer ? Cet article fait le point sur les dispositifs juridiques existants et les démarches à entreprendre pour les salariés dont l’entreprise est en cessation de paiement.

Les signes avant-coureurs de la faillite : rester vigilant

Avant même le dépôt de bilan officiel, certains indices peuvent alerter les salariés sur les difficultés financières de leur entreprise. Il est crucial d’y être attentif pour anticiper au mieux la situation :

  • Retards de paiement des salaires
  • Chômage partiel
  • Licenciements économiques
  • Rumeurs de rachat ou de restructuration
  • Baisse du carnet de commandes

Face à ces signaux d’alerte, les salariés ont intérêt à se rapprocher des représentants du personnel (délégués syndicaux, comité social et économique) qui disposent d’un droit d’alerte économique. Ils peuvent demander des explications à la direction et solliciter l’intervention d’un expert-comptable.

Les salariés peuvent aussi exercer leur droit d’alerte individuel auprès de l’inspection du travail s’ils constatent des faits préoccupants. Cette démarche est protégée par le statut de lanceur d’alerte.

Enfin, il est recommandé de conserver précieusement tous les documents relatifs à son emploi : contrat de travail, bulletins de paie, etc. Ces pièces seront utiles pour faire valoir ses droits par la suite.

La procédure judiciaire : comprendre les étapes

Lorsqu’une entreprise ne peut plus faire face à ses dettes, elle entre dans une procédure collective encadrée par la justice. Plusieurs étapes peuvent se succéder :

La procédure de sauvegarde

C’est une procédure préventive, ouverte à la demande du dirigeant avant la cessation des paiements. Elle vise à réorganiser l’entreprise pour éviter la faillite. Les contrats de travail sont maintenus pendant cette phase.

Le redressement judiciaire

Lorsque l’entreprise est en cessation de paiements mais reste viable, le tribunal de commerce peut ordonner son redressement judiciaire. Un administrateur judiciaire est nommé pour élaborer un plan de continuation ou de cession. Les contrats de travail se poursuivent, mais des licenciements économiques sont possibles.

La liquidation judiciaire

Si le redressement s’avère impossible, le tribunal prononce la liquidation de l’entreprise. Un liquidateur judiciaire est chargé de vendre les actifs pour rembourser les créanciers. Tous les contrats de travail sont rompus, sauf en cas de reprise partielle.

À chaque étape, les salariés doivent être informés par le mandataire judiciaire. Ils peuvent assister aux audiences du tribunal de commerce et faire valoir leurs observations.

Les droits des salariés pendant la procédure

Malgré les difficultés de l’entreprise, les salariés conservent des droits fondamentaux :

Le maintien des contrats de travail

Tant que la liquidation n’est pas prononcée, les contrats de travail se poursuivent. L’employeur doit continuer à verser les salaires, même en redressement judiciaire. En cas de retard, les salariés peuvent saisir les prud’hommes en référé.

La protection contre le licenciement

Les licenciements pour motif économique sont encadrés strictement. L’administrateur judiciaire doit respecter la procédure légale : information-consultation des représentants du personnel, critères d’ordre des licenciements, proposition d’un contrat de sécurisation professionnelle (CSP), etc.

Le droit à l’information

Les salariés doivent être tenus informés du déroulement de la procédure. Ils peuvent consulter certains documents au greffe du tribunal et assister aux audiences publiques.

La possibilité de se porter candidat à la reprise

Les salariés peuvent présenter une offre de reprise de leur entreprise, seuls ou en groupe. Ils bénéficient d’un droit d’information renforcé sur la situation économique de l’entreprise.

En cas de non-respect de ces droits, les salariés peuvent saisir le conseil de prud’hommes ou alerter l’inspection du travail.

Les créances salariales : comment les faire valoir ?

Lors d’une procédure collective, les salariés deviennent des créanciers de l’entreprise pour les sommes qui leur sont dues. Comment s’assurer d’être payé ?

Le relevé des créances salariales

Le mandataire judiciaire doit établir un relevé détaillé des sommes dues à chaque salarié : salaires impayés, congés payés, indemnités de rupture, etc. Ce relevé est transmis à l’AGS (Association pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés) et au représentant des salariés.

Les salariés ont intérêt à vérifier l’exactitude de ce relevé et à signaler toute erreur ou omission au mandataire.

L’intervention de l’AGS

L’AGS est un organisme qui garantit le paiement des créances salariales en cas de défaillance de l’employeur. Elle avance les sommes dues dans la limite de plafonds légaux :

  • Jusqu’à 6 fois le plafond mensuel de la sécurité sociale pour les créances de la dernière période de travail
  • Jusqu’à 3 mois de salaire pour l’indemnité de préavis
  • Jusqu’à 1,5 mois de salaire par année d’ancienneté (maximum 13,5 mois) pour l’indemnité de licenciement

L’AGS se retourne ensuite contre l’entreprise pour récupérer les sommes avancées.

La procédure de vérification des créances

Les créances déclarées font l’objet d’une procédure de vérification par le juge-commissaire. En cas de contestation, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes.

Une fois admises, les créances salariales bénéficient d’un privilège qui leur donne priorité sur les autres créanciers de l’entreprise.

Le licenciement économique : quels droits spécifiques ?

La liquidation judiciaire entraîne généralement le licenciement de tous les salariés. Ces licenciements obéissent à des règles particulières :

La procédure simplifiée

En cas de liquidation judiciaire, la procédure de licenciement économique est allégée. Le liquidateur n’a pas à mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), même si l’entreprise compte plus de 50 salariés.

Néanmoins, il doit respecter certaines formalités : convocation à un entretien préalable, notification du licenciement par lettre recommandée, etc.

Les indemnités dues

Les salariés licenciés ont droit à plusieurs indemnités :

  • L’indemnité légale de licenciement
  • L’indemnité compensatrice de préavis
  • L’indemnité compensatrice de congés payés

Ces indemnités sont calculées selon les règles habituelles du droit du travail. Elles sont garanties par l’AGS dans la limite des plafonds légaux.

Le contrat de sécurisation professionnelle (CSP)

Les salariés des entreprises en liquidation judiciaire doivent se voir proposer un CSP. Ce dispositif offre un accompagnement renforcé vers l’emploi et une allocation spécifique pendant 12 mois.

Le salarié a 21 jours pour accepter ou refuser le CSP. En cas de refus, il bénéficie des allocations chômage classiques.

La priorité de réembauche

Même après la liquidation, les salariés licenciés conservent une priorité de réembauche pendant un an si l’activité reprend. Ils doivent en faire la demande par écrit.

Les recours possibles : faire respecter ses droits

Face à une procédure collective, les salariés disposent de plusieurs voies de recours pour défendre leurs intérêts :

Le conseil de prud’hommes

C’est la juridiction compétente pour tous les litiges individuels liés au contrat de travail. Les salariés peuvent y contester :

  • Le motif ou la procédure de licenciement
  • Le montant des créances salariales
  • Le non-respect des obligations de l’employeur

La saisine des prud’hommes est gratuite et ne nécessite pas d’avocat en première instance.

Le tribunal de commerce

Les salariés peuvent intervenir dans la procédure collective devant le tribunal de commerce, notamment pour :

  • Contester le plan de cession de l’entreprise
  • Demander la conversion d’un redressement en liquidation
  • S’opposer à la clôture de la procédure

Ils doivent alors être représentés par un avocat.

Les recours collectifs

Les organisations syndicales peuvent agir en justice au nom des salariés, par exemple pour contester un plan de sauvegarde de l’emploi insuffisant.

Le comité social et économique (CSE) dispose aussi de prérogatives importantes : droit d’alerte, expertise économique, etc.

Les sanctions pénales

Certains agissements des dirigeants peuvent constituer des infractions pénales : banqueroute, abus de biens sociaux, travail dissimulé, etc. Les salariés victimes peuvent se constituer partie civile dans la procédure pénale.

Dans tous les cas, il est recommandé aux salariés de se faire assister par un avocat spécialisé en droit social pour défendre au mieux leurs intérêts.

Préparer l’après : rebondir professionnellement

La faillite de son entreprise est une épreuve difficile, mais elle ne doit pas signifier la fin de sa carrière. Plusieurs dispositifs existent pour aider les salariés à rebondir :

L’accompagnement par Pôle Emploi

Dès leur inscription comme demandeurs d’emploi, les salariés licenciés bénéficient d’un suivi personnalisé par Pôle Emploi. Ils peuvent accéder à des formations, des ateliers de recherche d’emploi, etc.

Le bilan de compétences

Ce dispositif permet de faire le point sur ses compétences et son projet professionnel. Il peut être financé par le compte personnel de formation (CPF).

La validation des acquis de l’expérience (VAE)

La VAE permet d’obtenir un diplôme ou un titre professionnel en faisant reconnaître son expérience. C’est une opportunité pour valoriser les compétences acquises dans l’entreprise en faillite.

La création d’entreprise

Certains salariés choisissent de créer leur propre activité après un licenciement économique. Ils peuvent bénéficier d’aides spécifiques, comme l’ARCE (Aide à la Reprise ou à la Création d’Entreprise) versée par Pôle Emploi.

Quelle que soit l’option choisie, il est crucial de ne pas rester isolé et de mobiliser tous les dispositifs d’accompagnement disponibles. La faillite d’une entreprise est certes un choc, mais elle peut aussi être l’occasion d’un nouveau départ professionnel.