Les droits des locataires face aux rénovations énergétiques imposées en 2025 : ce que vous devez savoir

La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a introduit un calendrier contraignant pour les propriétaires de logements énergivores. Dès 2025, les biens classés G+ ne pourront plus être proposés à la location. Cette obligation de rénovation s’étendra progressivement aux autres logements énergivores jusqu’en 2034. Pour les locataires, cette situation soulève de nombreuses interrogations sur leurs droits pendant les travaux, la répercussion des coûts sur les loyers, et les possibilités d’opposition. Dans ce contexte de transition énergétique accélérée, comprendre le cadre juridique devient indispensable pour défendre ses intérêts face aux propriétaires.

Le cadre légal des rénovations énergétiques obligatoires

La loi Climat et Résilience adoptée en 2021 constitue le fondement juridique des obligations de rénovation énergétique. Son objectif est d’éliminer progressivement les « passoires thermiques » du parc locatif français. Concrètement, elle interdit la mise en location des logements dont la consommation énergétique excède certains seuils, selon un calendrier précis : 2025 pour les logements classés G+, 2028 pour l’ensemble des G, 2031 pour les F et 2034 pour les E.

Le décret n°2021-19 du 11 janvier 2021, complété par l’arrêté du 8 avril 2022, définit précisément les critères de performance énergétique. Un logement est considéré comme une passoire thermique lorsque sa consommation dépasse 450 kWh/m²/an d’énergie finale. Cette classification énergétique est établie lors de l’établissement du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), document obligatoire pour toute location.

La loi ELAN de 2018 a renforcé ces dispositifs en imposant un critère de décence lié à la performance énergétique. Depuis le 1er janvier 2023, un logement dont la consommation d’énergie finale dépasse 450 kWh/m²/an est considéré comme indécent et ne peut légalement faire l’objet d’un nouveau bail.

Il faut noter que le non-respect de ces obligations expose les propriétaires à des sanctions. Ils peuvent se voir interdire la mise en location de leur bien, être contraints de réaliser les travaux sous astreinte, ou même voir leur responsabilité civile engagée en cas de préjudice subi par le locataire. La loi prévoit qu’un locataire peut saisir la Commission Départementale de Conciliation ou le juge pour faire constater l’indécence énergétique de son logement.

Droits des locataires pendant les travaux de rénovation

Lorsque des travaux de rénovation énergétique sont engagés, les locataires bénéficient d’une protection juridique spécifique. L’article 7e de la loi du 6 juillet 1989 impose au locataire de « souffrir les travaux d’amélioration », mais cette obligation est strictement encadrée. Le propriétaire doit respecter un préavis minimal de six mois avant le début des travaux, sauf urgence ou accord du locataire pour un délai plus court.

La nature des travaux détermine les droits des occupants. Pour des travaux légers (moins de 21 jours), aucune réduction de loyer n’est prévue par la loi. En revanche, pour des travaux plus importants, l’article 1724 du Code civil prévoit que si les réparations « durent plus de vingt et un jours, le prix du bail sera diminué à proportion du temps et de la partie de la chose louée dont il aura été privé ». Cette diminution de loyer doit être proportionnelle à la gêne occasionnée.

En cas de travaux particulièrement invasifs rendant le logement temporairement inhabitable, le bailleur peut être tenu de reloger temporairement le locataire à ses frais. La jurisprudence de la Cour de cassation (Civ. 3e, 5 février 2013, n°11-26.124) a confirmé cette obligation lorsque les travaux compromettent la jouissance paisible des lieux.

Les locataires disposent de voies de recours si les travaux ne respectent pas le cadre légal. Ils peuvent saisir la Commission Départementale de Conciliation, puis le tribunal judiciaire en cas d’échec de la conciliation. Dans les situations d’urgence, un référé peut être demandé pour obtenir une décision rapide. En cas de troubles anormaux liés aux travaux (bruit excessif, poussière, accès limité), une indemnisation peut être réclamée sur le fondement du trouble de jouissance.

Protections spécifiques pour les locataires vulnérables

Les locataires âgés de plus de 65 ans ou dont l’état de santé justifie une attention particulière bénéficient de protections renforcées. Les travaux doivent être adaptés à leur situation et des aménagements spécifiques peuvent être exigés pour limiter les nuisances.

Impact des rénovations sur le montant des loyers

La question de la répercussion financière des travaux de rénovation énergétique sur les loyers préoccupe légitimement les locataires. Le cadre juridique actuel prévoit plusieurs mécanismes qui encadrent strictement les possibilités d’augmentation.

Pour les baux en cours, l’article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989 interdit toute révision de loyer hors des clauses d’indexation prévues au contrat. Ainsi, un propriétaire ne peut pas augmenter le loyer en cours de bail au motif qu’il a réalisé des travaux d’amélioration énergétique. La seule exception concerne les travaux d’économie d’énergie faisant l’objet d’un accord collectif avec une contribution financière du locataire, dispositif rarement utilisé dans les locations individuelles.

En revanche, lors du renouvellement du bail, l’article 17-1 permet au propriétaire de proposer une augmentation si le loyer est manifestement sous-évalué par rapport aux loyers du voisinage. Cette augmentation est toutefois limitée à 50% de l’écart constaté et doit être étalée sur trois ans si elle dépasse 10%. Dans les zones tendues, l’encadrement des loyers impose des plafonds qui limitent cette possibilité.

La loi « Climat et Résilience » a introduit un dispositif spécifique : après des travaux de rénovation performante, un propriétaire peut demander une contribution au locataire pour partager les économies d’énergie réalisées. Cette contribution est plafonnée et ne peut excéder la moitié des économies estimées. Elle doit faire l’objet d’une concertation préalable et d’un accord écrit du locataire.

  • Pour les logements classés F ou G ayant fait l’objet d’une rénovation permettant d’atteindre la classe D au minimum, le propriétaire peut augmenter le loyer jusqu’à 10% des coûts réels engagés, dans la limite de 50€/m².
  • Pour les logements atteignant la classe A ou B après travaux, la majoration peut atteindre 15% des coûts dans la limite de 70€/m².

Des recours spécifiques existent en cas de désaccord sur l’augmentation de loyer. Le locataire peut saisir la Commission Départementale de Conciliation dans un délai de trois mois suivant la réception de la proposition d’augmentation. En cas d’échec de la conciliation, le juge du tribunal judiciaire peut être saisi dans un délai de quatre mois.

Possibilités d’opposition et de négociation pour les locataires

Face à un projet de rénovation énergétique, les locataires ne sont pas dépourvus de moyens d’action. Ils peuvent s’opposer à certains travaux ou négocier leurs modalités d’exécution dans plusieurs situations encadrées par la loi.

Le droit d’opposition s’applique principalement lorsque les travaux envisagés dépassent le cadre légal ou contractuel. L’article 7e de la loi du 6 juillet 1989 autorise le locataire à refuser les travaux visant à l’amélioration du logement si ces derniers ne présentent pas un caractère d’urgence, transforment l’usage des lieux ou réduisent significativement la surface habitable. La jurisprudence constante de la Cour de cassation (Civ. 3e, 9 juillet 2008, n°07-14.631) confirme que les travaux d’embellissement ou de confort ne justifient pas une atteinte à la jouissance paisible du logement.

En matière de négociation, le locataire peut demander des aménagements concernant le calendrier des travaux, les horaires d’intervention, les mesures de protection des biens personnels ou encore les compensations financières pour la gêne occasionnée. Il est recommandé de formaliser ces accords par écrit, idéalement sous forme d’un avenant au bail ou d’un protocole d’accord.

Pour les rénovations énergétiques globales d’un immeuble, les associations de locataires disposent d’un pouvoir de négociation collective. Dans les immeubles gérés par des bailleurs sociaux, la concertation est même obligatoire pour les travaux d’économie d’énergie en vertu de l’article L.443-11 du Code de la construction et de l’habitation.

En cas de conflit persistant, plusieurs voies de médiation existent avant de recourir au juge. Les Agences Départementales d’Information sur le Logement (ADIL) proposent des consultations gratuites. Les associations de défense des locataires peuvent accompagner les démarches et proposer une médiation avec le propriétaire. La Commission Départementale de Conciliation, composée à parité de représentants des bailleurs et des locataires, peut être saisie gratuitement et rend un avis dans un délai de deux mois.

Les outils juridiques pour faire valoir vos droits

Pour défendre efficacement leurs intérêts face aux rénovations énergétiques imposées, les locataires doivent maîtriser certains instruments juridiques et procédures spécifiques. Ces outils permettent d’agir à différentes étapes, de la prévention du litige à sa résolution.

La mise en demeure constitue souvent la première étape formelle. Ce courrier recommandé avec accusé de réception adressé au propriétaire permet d’établir officiellement un désaccord ou une demande. Pour être efficace, elle doit rappeler les dispositions légales applicables, décrire précisément la situation litigieuse et fixer un délai raisonnable pour remédier au problème. Le modèle LRAR proposé par l’ANIL (Agence Nationale pour l’Information sur le Logement) peut servir de base à cette démarche.

Le constat d’huissier représente un élément de preuve déterminant en cas de contentieux. Il permet de documenter l’état du logement avant, pendant et après les travaux, ainsi que les éventuels dommages ou nuisances subis. Son coût (entre 150 et 400€) peut être partiellement pris en charge par l’aide juridictionnelle pour les locataires aux revenus modestes.

L’expertise judiciaire peut être sollicitée en référé auprès du tribunal judiciaire lorsque des questions techniques complexes se posent, notamment sur la qualification énergétique du logement ou sur la pertinence des travaux envisagés. Le juge désigne alors un expert indépendant dont les conclusions s’imposeront généralement aux parties.

Pour les actions collectives, la constitution d’un collectif de locataires offre un poids supplémentaire dans les négociations. Dans les immeubles de plus de 50 logements, les associations de locataires peuvent être officiellement reconnues comme interlocuteurs du bailleur après avoir recueilli 10% des suffrages des locataires.

En matière d’assistance juridique, plusieurs dispositifs existent :

  • L’aide juridictionnelle, totale ou partielle selon les revenus, qui prend en charge les frais d’avocat et d’huissier
  • Les permanences gratuites d’avocats organisées dans les mairies et palais de justice
  • Les consultations spécialisées des ADIL et des associations de consommateurs agréées

Enfin, le référé-suspension constitue un recours d’urgence particulièrement utile pour faire cesser des travaux abusifs ou dangereux. Cette procédure rapide permet d’obtenir, sous 48 heures à 15 jours, une décision provisoire ordonnant l’arrêt des travaux jusqu’au jugement au fond. Pour être recevable, la demande doit démontrer l’urgence et un « moyen sérieux » de nature à justifier l’annulation de la décision contestée.

Le bouclier juridique du locataire : stratégies d’anticipation

Plutôt que d’attendre la survenance d’un conflit, les locataires avisés peuvent mettre en place une stratégie préventive pour sécuriser leur position face aux rénovations énergétiques programmées pour 2025 et au-delà. Cette approche proactive repose sur plusieurs piliers fondamentaux.

La documentation systématique de l’état du logement constitue la première ligne de défense. Il est recommandé de conserver tous les documents relatifs au logement : bail, état des lieux d’entrée détaillé, diagnostics techniques (particulièrement le DPE), correspondances avec le propriétaire, factures énergétiques, et photographies datées des différentes pièces. Ces éléments permettront d’établir objectivement l’état initial et de contester, si nécessaire, la nécessité technique de certains travaux invasifs.

L’information préalable sur les caractéristiques énergétiques du logement est un droit fondamental du locataire. Depuis le 1er janvier 2022, tout bailleur doit communiquer au locataire le montant des dépenses théoriques de chauffage et, pour les logements collectifs, les informations relatives aux équipements communs de chauffage. Ces données permettent d’anticiper les potentielles obligations de rénovation qui s’imposeront au propriétaire.

La négociation anticipée d’une clause spécifique relative aux travaux futurs peut être intégrée lors de la signature du bail ou d’un avenant. Cette clause peut prévoir les modalités précises d’information du locataire, les plages horaires d’intervention, les compensations financières automatiques en cas de gêne prolongée, ou encore les conditions de relogement temporaire si nécessaire.

La veille juridique personnalisée permet de rester informé des évolutions législatives qui pourraient renforcer les droits des locataires. Les arrêtés d’application de la loi Climat et Résilience continuent d’être publiés, précisant progressivement les modalités pratiques des obligations de rénovation. S’abonner aux newsletters des associations de défense des locataires ou de l’ANIL permet de ne pas manquer ces évolutions.

Enfin, la mutualisation des compétences entre locataires d’un même immeuble constitue un levier puissant. La création d’un groupe de discussion (numérique ou physique) facilite le partage d’informations et de conseils. Dans certains cas, la désignation d’un « référent rénovation énergétique » parmi les locataires peut centraliser les communications avec le bailleur et assurer une position cohérente de l’ensemble des occupants.

Cette approche préventive transforme le locataire d’un sujet passif des décisions du propriétaire en un acteur informé de la transition énergétique de son logement. Elle permet d’éviter de nombreux conflits ou, lorsqu’ils surviennent, de les aborder avec une position juridique solide et documentée.