Face à l’urgence climatique, le droit se saisit de la question environnementale et impose de nouvelles obligations aux entreprises. Entre sanctions et incitations, le cadre juridique se durcit pour responsabiliser les acteurs économiques.
Le cadre légal de la responsabilité environnementale
La responsabilité environnementale des entreprises s’inscrit dans un cadre légal de plus en plus contraignant. Au niveau européen, la directive 2004/35/CE pose le principe du pollueur-payeur. Elle oblige les entreprises à prévenir et réparer les dommages écologiques causés par leurs activités. En France, la loi sur le devoir de vigilance de 2017 va plus loin en imposant aux grandes entreprises d’établir un plan de vigilance pour identifier et prévenir les atteintes à l’environnement dans leur chaîne de valeur.
Le Code de l’environnement prévoit également des sanctions pénales en cas de pollution. L’article L.216-6 punit de deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende le fait de jeter ou déverser des substances nuisibles dans les eaux. La loi relative à la lutte contre le gaspillage de 2020 renforce encore ces dispositions en créant le délit de pollution des sols.
Les mécanismes de mise en œuvre de la responsabilité
La mise en œuvre de la responsabilité environnementale des entreprises s’appuie sur différents mécanismes juridiques. Le principe de précaution, inscrit dans la Charte de l’environnement, oblige les entreprises à adopter des mesures pour prévenir tout risque de dommage grave à l’environnement. En cas de dommage avéré, le principe de réparation s’applique.
L’action en responsabilité peut être engagée par l’État, les collectivités territoriales ou les associations de protection de l’environnement. La loi Climat et Résilience de 2021 a élargi les possibilités d’action en justice en créant un délit général de pollution et en facilitant la reconnaissance du préjudice écologique.
Les class actions en matière environnementale, introduites par la loi Justice du XXIe siècle de 2016, permettent à des groupes de citoyens d’agir collectivement contre une entreprise. Cette procédure reste toutefois peu utilisée en raison de sa complexité.
Les enjeux de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE)
La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) dépasse le strict cadre légal pour englober des engagements volontaires en matière environnementale. La loi PACTE de 2019 a introduit la notion de raison d’être dans le Code civil, permettant aux entreprises d’inscrire des objectifs sociaux et environnementaux dans leurs statuts.
La déclaration de performance extra-financière (DPEF), obligatoire pour les grandes entreprises, impose de rendre compte des actions menées en matière de RSE. Le reporting extra-financier devient un outil de transparence et de pilotage de la performance environnementale.
Les labels et certifications environnementaux (ISO 14001, B Corp, etc.) constituent également des leviers d’engagement volontaire. Ils permettent aux entreprises de valoriser leurs efforts et de se différencier sur le marché.
Les défis de l’application du droit de l’environnement
L’application effective du droit de l’environnement se heurte à plusieurs obstacles. La complexité du droit et la multiplicité des normes rendent difficile son appréhension par les entreprises. La charge de la preuve en matière de dommage écologique reste souvent lourde à établir.
Le contentieux climatique émerge comme un nouveau champ de bataille juridique. L’affaire du siècle en France ou le jugement contre Shell aux Pays-Bas illustrent la montée en puissance de ces actions en justice visant à contraindre les États et les entreprises à respecter leurs engagements climatiques.
La responsabilité des sociétés mères pour les agissements de leurs filiales à l’étranger pose également question. Le devoir de vigilance tente d’y répondre, mais son application extraterritoriale reste complexe.
Vers une responsabilité environnementale renforcée
L’évolution du droit tend vers un renforcement de la responsabilité environnementale des entreprises. La taxonomie verte européenne, qui établit une classification des activités durables, va impacter les stratégies d’investissement et de financement.
Le projet de directive européenne sur le devoir de vigilance devrait étendre les obligations des entreprises en matière de prévention des risques environnementaux. La création d’un crime d’écocide au niveau international est également en discussion.
L’intelligence artificielle et les technologies blockchain ouvrent de nouvelles perspectives pour le suivi et la traçabilité des impacts environnementaux, facilitant potentiellement la mise en œuvre de la responsabilité.
La responsabilité environnementale des entreprises s’affirme comme un enjeu juridique majeur du XXIe siècle. Entre durcissement du cadre légal et initiatives volontaires, les entreprises doivent intégrer les préoccupations écologiques au cœur de leur stratégie. Le droit joue un rôle crucial dans cette transition, en fixant les règles du jeu et en sanctionnant les comportements les plus néfastes pour l’environnement.