La récidive dans les violences conjugales : un défi juridique majeur

Face à la persistance des violences conjugales, le système judiciaire français renforce son arsenal pour lutter contre la récidive. Entre sanctions accrues et dispositifs de prévention, le traitement juridique de ce fléau évolue pour mieux protéger les victimes.

Le cadre légal de la répression des violences conjugales récidivistes

Le Code pénal français prévoit des sanctions aggravées pour les auteurs récidivistes de violences conjugales. La loi du 3 août 2018 a notamment renforcé l’arsenal répressif en augmentant les peines encourues. Ainsi, en cas de récidive, les peines peuvent être doublées, allant jusqu’à 10 ans d’emprisonnement pour des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours.

Le législateur a introduit la notion de circonstance aggravante liée à la qualité de conjoint ou d’ex-conjoint de la victime. Cette disposition permet d’alourdir systématiquement les sanctions prononcées, même pour des faits qui seraient considérés comme moins graves dans un autre contexte. La récidive légale en matière de violences conjugales est constituée dès lors que l’auteur commet de nouveaux faits dans un délai de 5 ans après une première condamnation définitive.

Les mesures judiciaires spécifiques à la récidive

Pour prévenir la récidive, la justice dispose d’un éventail de mesures spécifiques. Le bracelet anti-rapprochement, généralisé en 2020, permet de contrôler à distance le respect de l’interdiction faite à l’auteur de s’approcher de la victime. En cas de violation, une alerte est immédiatement déclenchée.

Les stages de responsabilisation pour les auteurs de violences conjugales sont de plus en plus prescrits, soit dans le cadre d’une peine alternative, soit en complément d’une peine d’emprisonnement. Ces stages visent à faire prendre conscience aux auteurs de la gravité de leurs actes et à prévenir la réitération.

Le suivi socio-judiciaire, initialement créé pour les infractions sexuelles, a été étendu aux violences conjugales. Il permet un contrôle et un accompagnement de l’auteur après sa sortie de prison, avec la possibilité d’imposer des soins ou des interdictions spécifiques.

L’évaluation du risque de récidive : un enjeu crucial

Les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) jouent un rôle central dans l’évaluation du risque de récidive. Ils utilisent des outils standardisés comme le DAVC (Diagnostic à Visée Criminologique) pour évaluer la dangerosité et les facteurs de risque propres à chaque auteur.

Les expertises psychiatriques sont systématiquement ordonnées dans les affaires de violences conjugales graves ou récidivantes. Elles permettent d’évaluer la personnalité de l’auteur, ses troubles éventuels et sa capacité à contrôler ses pulsions violentes.

La justice prédictive, basée sur des algorithmes d’intelligence artificielle, commence à être expérimentée pour aider à l’évaluation du risque de récidive. Cette approche, bien que controversée, pourrait à terme compléter l’expertise humaine dans la prise de décision judiciaire.

La prise en charge thérapeutique des auteurs récidivistes

La loi du 30 juillet 2020 a renforcé l’obligation de soins pour les auteurs de violences conjugales. Les condamnés récidivistes peuvent ainsi se voir imposer un suivi psychologique ou psychiatrique, voire un traitement hormonal inhibiteur de libido dans les cas les plus graves.

Des unités de prise en charge spécialisées ont été créées dans certains établissements pénitentiaires pour proposer des programmes thérapeutiques adaptés aux auteurs de violences conjugales. Ces programmes visent à travailler sur la gestion de la colère, l’empathie et la reconstruction d’une image de soi positive.

La justice restaurative, qui met en relation auteurs et victimes dans un cadre encadré, commence à être expérimentée dans certaines juridictions. Cette approche vise à responsabiliser l’auteur tout en permettant à la victime d’exprimer son vécu et ses attentes.

Le rôle clé du parquet dans le suivi des récidivistes

Les procureurs de la République ont un rôle central dans le traitement judiciaire de la récidive en matière de violences conjugales. Ils sont chargés de mettre en œuvre une politique pénale ferme et réactive, avec la possibilité de recourir à des procédures accélérées comme la comparution immédiate.

La création de parquets spécialisés dans les violences intrafamiliales permet un suivi plus efficace des dossiers et une meilleure coordination avec les services d’enquête. Ces parquets disposent souvent d’un fichier des auteurs de violences conjugales permettant un repérage rapide des récidivistes.

Le développement des téléphones grave danger (TGD) illustre l’implication du parquet dans la protection des victimes. Ce dispositif, attribué sur décision du procureur, permet à la victime d’alerter immédiatement les forces de l’ordre en cas de danger imminent.

Les défis de la coopération interinstitutionnelle

La lutte contre la récidive en matière de violences conjugales nécessite une coopération étroite entre les différents acteurs institutionnels. Les comités locaux d’aide aux victimes (CLAV) réunissent régulièrement magistrats, policiers, travailleurs sociaux et associations pour coordonner leurs actions.

Le partage d’informations entre services reste un défi majeur, notamment pour assurer un suivi efficace des auteurs après leur sortie de prison. Des protocoles d’échange sécurisés sont progressivement mis en place entre la justice, la police et les services sociaux.

La formation des professionnels à la spécificité des violences conjugales et à la détection des signes de récidive est renforcée. Des modules de formation continue sont désormais obligatoires pour les magistrats, les avocats et les forces de l’ordre intervenant dans ce domaine.

Les perspectives d’évolution du traitement juridique de la récidive

Le débat sur l’opportunité d’instaurer une peine plancher pour les récidivistes de violences conjugales revient régulièrement dans le débat public. Cette mesure, si elle était adoptée, limiterait le pouvoir d’appréciation des juges mais garantirait une sanction minimale systématique.

L’extension du champ d’application du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) aux auteurs de violences conjugales est envisagée. Cette mesure permettrait un suivi plus étroit des récidivistes après leur sortie de prison.

Le développement de la justice prédictive et l’utilisation de l’intelligence artificielle pour évaluer le risque de récidive soulèvent des questions éthiques et juridiques qui devront être tranchées dans les années à venir.

Le traitement juridique de la récidive en matière de violences conjugales connaît une évolution constante, marquée par un durcissement des sanctions et un renforcement des mesures de suivi. L’enjeu pour la justice est de trouver un équilibre entre répression, prévention et réinsertion, tout en assurant une protection efficace des victimes.